Point de nullité du mariage contracté au Maroc en l’absence de l’épouse

I – Annulation du mariage : retour sur les différentes hypothèses de nullité d’un mariage

La procédure en annulation d’un mariage et la procédure de divorce ne poursuivent pas le même objectif.

Là où le divorce vise à obtenir la rupture du lien conjugal provoquant la dissolution du mariage, l’annulation du mariage vise à contester la validité même du mariage. Ainsi, les effets d’une annulation de mariage sont rétroactifs, le mariage étant réputé ne jamais avoir existé.

Il existe plusieurs cas de nullité :

– Les nullités relatives (qui ne peuvent être invoquées que par les époux) : défaut de consentement libre de l’un des époux, violences et/ou pressions, erreur dans la personne épousée ou sur ses qualités essentielles, absence d’autorisation des père et mère, des ascendants, ou du conseil de famille, dans les cas où ce consentement était nécessaire ;

– Les nullités absolues (qui peuvent être invoquées par toute personne intéressée) : minorité, absence de consentement, bigamie, inceste, mariage contracté non publiquement, mariage non contracté devant l’officier public compétent, absence de publication requise, absence de l’un des époux à son mariage, …

II – Quid d’un mariage contracté au Maroc, entre un Français et une Marocaine, en l’absence de cette dernière ?

Dans un arrêt du 18 mars 2020, la Cour de Cassation a statué que le mariage contracté entre un Français et une Marocaine était régulier, même si l’épouse n’était pas présente lors de la cérémonie. Conformément au droit marocain alors applicable, elle avait en effet mandaté un wali (tuteur matrimonial) pour conclure l’acte de mariage.

Rappelons que lorsque les époux sont de nationalité différente, « les qualités et conditions requises pour pouvoir contracter mariage sont régies, pour chacun des époux, par sa loi personnelle. (…) » (article 202-1 du code civil).

L’application de la loi étrangère peut parfois être écartée lorsqu’elle est considérée heurter les principes fondamentaux du droit national.

L’article 4 de la convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire le rappelle en son article 4 : « La loi de l’un des deux Etats désignés par la présente Convention ne peut être écartée par les juridictions de l’autre Etat que si elle est manifestement incompatible avec l’ordre public. »

Le mari, qui avait initié la procédure en annulation de mariage, soutenait notamment que « la loi étrangère qui prévoit que le mariage peut être célébré en l’absence de l’épouse, sur le fondement d’une simple procuration donnée par celle-ci, est manifestement incompatible avec l’ordre public international français ».

En droit français, « il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de consentement » (article 146 du code civil).

De même, « le mariage d’un Français, même contracté à l’étranger, requiert sa présence » (article 146-1 du code civil).

La Cour de Cassation va cependant lui donner tort, en considérant que les dispositions du droit marocain autorisant le recueil du consentement de l’épouse par un wali n’est pas manifestement incompatible avec l’ordre public dès l’instant où le droit français n’impose la présence de l’époux à son mariage qu’à l’égard de ses ressortissants :

« 9. Il résulte de la combinaison de ces textes que la présence de l’épouse marocaine à son mariage, en tant qu’elle constitue une condition de fond du mariage, est régie par la loi marocaine. En l’absence de contestation touchant à l’intégrité du consentement, la disposition du droit marocain qui autorise le recueil du consentement d’une épouse par une procuration n’est pas manifestement incompatible avec l’ordre public, au sens de l’article 4 précité, dès lors que le droit français n’impose la présence de l’époux à son mariage qu’à l’égard de ses seuls ressortissants.

10. L’arrêt relève que Mme H…était de nationalité marocaine au jour du mariage, de sorte que les conditions de fond du mariage étaient régies, pour elle, par la loi marocaine. Il ajoute que cette loi, dans sa rédaction applicable à la date du mariage, prévoit que la future épouse mandate son wali pour la conclusion de l’acte de mariage, sans imposer sa présence. Il constate que l’acte de mariage litigieux mentionne que Mme H… , qui n’était pas présente, a donné son autorisation, son consentement et la procuration à cette fin à son père. Il relève encore qu’elle a vécu plus de treize années avec son époux avant de déposer une demande en divorce et a créé une famille en ayant eu trois enfants.

11. De ces constatations et énonciations, la cour d’appel, qui a constaté la réalité du consentement à mariage, a exactement déduit, sans violer l’ordre public international, que le mariage était régulier. » (Cass. Civ1. 18 mars 2020, n°19-11.573)