La garde d’enfants est l’une des questions les plus sensibles et les plus disputées lors d’une séparation ou d’un divorce. C’est un enjeu crucial qui détermine les modalités de vie des enfants et les responsabilités de chaque parent. Selon les chiffres du Ministère de la Justice, en 2019, les Juges aux Affaires Familiales (JAF) ont rendu 133 742 décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale, dont une grande partie concernait la résidence des enfants.
Mais quelles sont les différentes options de garde possibles et quelles sont leurs implications juridiques ? Dans cet article, nous allons passer en revue les principaux modes de garde et leurs conséquences légales, avec l’éclairage de Maître Sophie Maral, avocate en droit de la famille à Rennes.
La résidence alternée
Définition et principes
La résidence alternée, aussi appelée garde alternée, est un mode de garde où l’enfant vit en alternance chez chacun de ses parents selon un rythme prédéfini (une semaine sur deux, etc.). C’est un modèle qui se développe de plus en plus : selon le Ministère de la Justice, en 2019, la résidence alternée concernait 26% des enfants de parents séparés, contre 17% en 2012. La loi du 4 mars 2002 a consacré ce mode de garde en précisant que “la résidence de l’enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l’un d’eux” (article 373-2-9 du Code civil).
Conditions et critères d’attribution
Pour mettre en place une résidence alternée, plusieurs conditions doivent être réunies :
- L’accord des deux parents : la résidence alternée ne peut pas être imposée par le juge si l’un des parents s’y oppose. Elle doit être demandée ou acceptée par les deux parents.
- La proximité géographique des domiciles : les parents doivent habiter suffisamment près l’un de l’autre pour permettre les allers-retours de l’enfant sans nuire à sa scolarité et à ses activités.
- La capacité de coopération des parents : la résidence alternée nécessite une bonne entente et une communication régulière entre les parents pour gérer le quotidien de l’enfant.
- L’âge et l’avis de l’enfant : le juge peut tenir compte des souhaits de l’enfant, surtout s’il est adolescent. Mais son avis n’est pas décisif, c’est son intérêt qui prime.
Avantages et inconvénients
La résidence alternée présente des avantages et des inconvénients qu’il faut bien peser avant de la choisir :
Avantages :
- Elle permet à l’enfant de maintenir des liens forts et équilibrés avec ses deux parents.
- Elle répartit les responsabilités et les temps de présence de manière égale entre les parents.
- Elle évite le sentiment d’abandon ou de perte d’un parent chez l’enfant.
Inconvénients :
- Elle peut être déstabilisante pour l’enfant qui doit s’adapter à deux domiciles et deux modes de vie.
- Elle nécessite une grande flexibilité et une bonne organisation de la part des parents.
- Elle peut être source de conflits si les parents ne s’entendent pas bien.
Implications juridiques
La résidence alternée a des conséquences juridiques importantes :
- L’autorité parentale reste conjointe : les deux parents continuent à prendre ensemble les décisions importantes concernant l’enfant (santé, scolarité, religion, etc.).
- La pension alimentaire est moins élevée voire inexistante : chaque parent prend en charge les frais de l’enfant lorsqu’il est chez lui. Une pension peut être versée si les revenus des parents sont très déséquilibrés.
- Les allocations familiales peuvent être partagées : elles peuvent être versées à chaque parent au prorata du temps de présence de l’enfant ou à celui qui en fait la demande.
La résidence chez un parent
Définition et principes
La résidence chez un parent, aussi appelée garde principale ou exclusive, est le mode de garde le plus courant. L’enfant vit principalement chez l’un de ses parents (le plus souvent la mère) et rend visite à l’autre parent (le plus souvent le père) selon un calendrier défini. Selon le Ministère de la Justice, en 2019, 71% des enfants de parents séparés vivaient principalement chez leur mère, contre 6% chez leur père. Ce mode de garde est prévu par l’article 373-2-9 du Code civil qui précise que “la résidence de l’enfant peut être fixée (…) au domicile de l’un” des parents.
Conditions et critères d’attribution
Pour fixer la résidence de l’enfant chez un parent, le juge tient compte de plusieurs critères :
- L’intérêt de l’enfant : c’est le critère primordial. Le juge évalue quel est le parent le plus à même d’assurer le bien-être et l’épanouissement de l’enfant.
- La disponibilité et les capacités éducatives de chaque parent : le juge apprécie les conditions matérielles et morales offertes par chaque parent pour accueillir l’enfant.
- La stabilité de l’environnement : le juge privilégie souvent le statu quo pour ne pas perturber les habitudes de l’enfant (école, amis, activités).
- L’avis de l’enfant : comme pour la résidence alternée, l’avis de l’enfant est pris en compte, dès l’instant où le juge considère qu’il est en âge d’être auditionné et de donner son point de vue.
Implications juridiques
- La résidence chez un parent a les conséquences juridiques suivantes :
- L’autorité parentale reste en principe conjointe : les deux parents continuent à décider ensemble pour l’enfant, même s’il vit principalement chez l’un d’eux.
- Une pension alimentaire est versée par le parent non-gardien : son montant est fixé par le juge en fonction des ressources et des charges de chaque parent et des besoins de l’enfant.
- Les allocations familiales sont en principe versées au parent chez qui l’enfant réside.
Le droit de visite et d’hébergement
Définition et principes
Le droit de visite et d’hébergement (DVH) est le corollaire de la résidence chez un parent. C’est le droit pour le parent chez qui l’enfant ne réside pas habituellement de voir son enfant et de l’accueillir régulièrement chez lui. C’est un droit fondamental, consacré par l’article 373-2 du Code civil qui précise que “chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent”. Le DVH est donc la contrepartie nécessaire de la résidence principale pour préserver les liens entre l’enfant et ses deux parents.
Modalités et aménagements
Les modalités du DVH sont fixées par le juge en fonction de la situation de chaque famille. Elles peuvent prendre différentes formes :
- Le DVH classique : l’enfant passe un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires avec le parent non-gardien. C’est le rythme le plus courant.
- Le DVH élargi : l’enfant passe plus de temps avec le parent non-gardien, par exemple une partie de la semaine. Cela permet de rééquilibrer les temps de présence.
- Le DVH libre : les parents s’organisent librement pour les visites, sans calendrier fixe. Cela suppose une bonne entente et une grande souplesse.
- Le DVH encadré ou médiatisé : les visites se déroulent dans un lieu neutre ou en présence d’un tiers, lorsque les relations sont très conflictuelles ou que l’enfant est en danger.
- Le DVH peut être aménagé ou suspendu si l’intérêt de l’enfant l’exige, par exemple en cas de maltraitance, d’addiction ou de troubles psychiatriques du parent.
Implications juridiques
Le DVH a des conséquences juridiques à ne pas négliger :
- Il est un droit mais aussi un devoir : le parent non-gardien a l’obligation de maintenir les liens avec son enfant. S’il ne respecte pas le DVH fixé, celui-ci peut être suspendu, voir non maintenu.
- Il doit être exercé dans l’intérêt de l’enfant : le parent non-gardien ne doit pas perturber l’équilibre de l’enfant ni dénigrer l’autre parent pendant les visites.
- Il peut justifier une réduction de la pension alimentaire : si le DVH est très large et que le parent non-gardien assume une part importante des frais, la pension peut être revue à la baisse.
L’autorité parentale exclusive
Définition et principes
L’autorité parentale exclusive est le fait pour un seul parent d’exercer tous les attributs de l’autorité parentale, à l’exclusion de l’autre parent. C’est une situation exceptionnelle, qui ne peut être décidée par le juge que “pour motifs graves” selon l’article 373-2-1 du Code civil. Ces motifs peuvent être :
- Un désintérêt manifeste du parent pour l’enfant : absence de relations, non-paiement de la pension, etc.
- Une incapacité du parent à assumer ses responsabilités : maladie, handicap, incarcération, etc.
- Un danger pour l’enfant : maltraitance, abus sexuels, enlèvement, etc.
- L’autorité parentale exclusive est une mesure de protection de l’enfant qui vise à écarter un parent défaillant ou dangereux.
Implications juridiques
L’autorité parentale exclusive a des conséquences radicales :
- Le parent qui en est privé perd tous ses droits sur l’enfant : il ne participe plus aux décisions le concernant et peut même se voir retirer son droit de visite et d’hébergement.
- Le parent qui l’exerce seul et prend seul les décisions importantes et du quotidien pour l’enfant. Il est le seul interlocuteur des tiers (école, médecins, administrations).
La délégation-partage de l’autorité parentale
Définition et principes
La délégation-partage de l’autorité parentale est un mécanisme qui permet à un tiers (beau-parent, grand-parent, famille d’accueil) d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale avec les parents de l’enfant. Cette mesure vise à consacrer juridiquement l’implication d’un tiers qui s’occupe quotidiennement de l’enfant, sans pour autant écarter les parents.
Conditions et effets
Pour mettre en place une délégation-partage de l’autorité parentale, il faut :
- L’accord des deux parents (ou du parent qui exerce seul l’autorité parentale) et du tiers concerné.
- Des “circonstances particulières” qui justifient l’intérêt de cette mesure pour l’enfant : recomposition familiale, aide des grands-parents, placement de l’enfant, etc.
- Une décision du juge aux affaires familiales qui fixe les modalités de la délégation-partage.
Le tiers qui bénéficie de la délégation-partage a les mêmes droits et devoirs que les parents pour les domaines qui lui sont confiés : il peut prendre les décisions concernant l’enfant, le représenter, l’inscrire à l’école, etc. Mais les parents conservent un droit de surveillance et de contrôle.
Conclusion : Demandez un conseil à avocat compétent en droit de la famille
La garde d’enfants est une question complexe et sensible qui doit être abordée au cas par cas, en fonction de la situation de chaque famille et surtout de l’intérêt de l’enfant. Il n’y a pas de solution standard ni de modèle idéal. Chaque mode de garde a ses avantages et ses inconvénients, ses implications juridiques et ses contraintes pratiques. L’essentiel est de trouver un équilibre qui permette à l’enfant de maintenir des liens forts et sereins avec ses deux parents, malgré leur séparation.
Pour vous aider à y voir plus clair et à faire les meilleurs choix pour votre enfant, n’hésitez pas à vous faire conseiller par un avocat compétent en droit de la famille, comme Maître Sophie Maral, avocat en droit de la famille à Rennes. Ses connaissances et son expérience vous seront précieuses pour comprendre vos droits, vos devoirs et les enjeux de la garde d’enfants. Elle pourra vous assister dans vos démarches auprès du juge aux affaires familiales et vous représenter dans les procédures de divorce ou de séparation.
La garde d’enfants est un défi pour tous les parents séparés, mais c’est aussi une opportunité de réinventer son rôle de parent et de construire une nouvelle relation avec son enfant. Avec de la bonne volonté, du dialogue et du respect mutuel, il est possible de surmonter les conflits et de trouver des solutions adaptées à chaque enfant.